Le Docteur Izzeldine Abuelaïsh était à Montpellier – le 16 novembre - dans le cadre d’une tournée en France organisée par l’AFPS et les éditions J’ai lu Il a été reçu par le Collectif Palestine 34 en partenariat avec la librairie Sauramps. Pour une conférence de presse et une réunion publique.
Ainsi que vous le verrez plus tard, le nombre 16 est un nombre associé à la douleur pour cet homme exceptionnel.
Voici ce qu’il a déclaré lors de sa conférence de presse et du débat de la soirée.
C’est à la fois long (mais je me refuse le droit de résumer arbitrairement la parole si précieuse de notre invité), passionnant et bouleversant... Et ce témoignage mérite que vous alliez au bout de votre lecture !
D’abord le Docteur remercie les organisateurs, aux journalistes et aux autres personnes présentes.
Il a ensuite parlé de l’importance et de l’urgence de se mobiliser en ce au moment où le sang coule à nouveau dans son pays d’origine.
« Il nous faut parler haut et fort afin de faire connaître au monde les massacres au quotidien. Combien faudra-t-il de morts avant que nous ouvrions tous nos yeux et nos oreilles. Nous devrions avoir honte de notre indifférence.
En tant que médecin, si je trouve un blessé, j’accours pour le soigner. Il est temps d’aider des innocents qui n’ont pour seule arme que la détermination de leur liberté !
Il est temps pour tous les dirigeants de ce monde d’avoir le courage d’exiger que les traités de l’ONU soient respectés. Il est temps d’exiger d’eux qu’ils arrêtent leur comportement d’autruche. Il faut qu’ils comprennent qu’Israël doit se protéger de ses propres actes. La destruction d’Israël ne concerne pas que les palestiniens, les victimes sont des deux côtés.
Il est temps d’exiger que soient supprimés la colonisation, les check points, les humiliations au quotidien, que le rapport forts / faibles cesse. Cela fait des années que nous crions qu’il faut agir de manière constructive et non destructive pour résoudre les problèmes.
L’opération « Plomb durci » de 2009 se renouvelle !
Je le vis dans ma chair, je vois ce qui se passe, ce qui s’est passé en 2008 et 2009 et l’Histoire se répète. Aucune leçon n’a été tirée. Le sang palestinien est précieux ! On ne doit pas le répandre à des fins électorales, pour de sombres motifs politiques (déjà en 2008/2009 les actions perpétrées par Israël l’étaient à des fins électorales !) Et voilà qu’en 2012, cela se répète...
Il faut clamer la vérité, les Palestiniens ne veulent pas du combat, ils ne combattent qu’en vue d’obtenir leur liberté. Les deux dernières semaines ont vu une escalade de violence. Il faut affronter la vérité !
Il y a deux semaines, un gamin de 12 ans jouait au ballon. Les enfants palestiniens n’ont pas souvent le bonheur de jouer ! Le militaire -t-il été agacé de voir un enfant jouer ? A-t-il pensé que le ballon allait exploser ? Il a pris cet enfant innocent pour cible et l’a tué. Encore un sang qui a coulé gratuitement !
Et nous n’avons pas le droit de pleurer nos enfants ? De montrer l’amour que nous leur portons ?
Les enfants palestiniens ont un énorme potentiel, ils contribuent au .monde, le monde est responsable et doit rendre aux palestiniens leur droit à la liberté. Personne ne peut se sentir libre si tout le monde ne goûte pas à la liberté.
Les israéliens et les palestiniens sont des jumeaux, si l’un souffre, l’autre est affecté.
Chacun doit venir en aide aux palestiniens et convaincre son entourage d’agir et qu’apporter la paix en Israël est bénéfique pour les deux parties. Il faut une équité entre les deux peuples et éviter la généralisation.
Il faut cesser ce rapport : occupant/occupé, oppresseur/oppressé, fort/ faible.
La force ne mène nulle part à long terme
Il fut changer le cours de l’Histoire, trouver de nouveaux procédés, parler fort, accepter les droits de tous, appliquer les traités qui existent, la paix ne s’obtiendra pas par de vaines paroles, il faut des actes.
Les négociations ne sont pas un but, elles sont un moyen d’arriver au but.
En tant que médecin, lorsque je reçois un patient qui souffre, il attend de moi des soins, des remèdes. Si je me contente de lui faire des discours, il ne reviendra pas
Il faut changer les palabres en actes. C’est alors que le peuple palestinien pourra se lever et parler.
Notre histoire concerne le monde, nous voulons la justice qui nous est due, personne n’est au-dessus des lois ! Un seul langage, un seul niveau vers la Justice !
La vie des palestiniens est un combat quotidien, imaginez que vous vivez sans électricité, sans eau, que l’on vous contrôle en permanence aux check points...
Les palestiniens ne sont que des numéros, ils n’ont pas d’identité, ils sont juste des statistiques : 10, 100, 1400 tués...
C’est une honte. Chaque être humain est un monde à lui seul. On sauve un être humain, on sauve le monde, on en tue un, on tue le monde !
J’avais le droit de haïr. Mais je n’aurais pas atteint mon but : la liberté. Et la liberté pour un peuple ne peut s’obtenir à travers la haine. Les paroles sont plus fortes que les balles. Les balles qui ont atteint mes filles les ont tuées une fois. Les paroles tuent à chaque instant.
Tous les jours, j’entends des gens me confier que mon livre a changé leur vie. C’est un message humain, pas uniquement pour les palestiniens ou encore les israéliens, mais pour le monde entier
Nous avons tous deux yeux, nous devons voir avec les deux. Pendant l’opération Plomb durci les israéliens étaient comme aveugles, mais la mort de mes filles en direct à la télévision a ouvert leurs yeux. Voir le Docteur palestinien qui les soignait, être reconnu par une bonne partie de mes patients israéliens comme victime de la violence de l’armée. C’était un choc pour eux !
Mais devons-nous mourir pour prouver que nous sommes des humains comme les autres ? Que nous sommes NES humains ?
Il ne faut pas confondre peuples et gouvernements. Ce sont les gouvernements qui hésitent, se taisent. C’est au peuple de manifester son mécontentement auprès des gouvernements. Il faut avoir le courage du mot juste dans une situation donnée. On a aussi besoin des medias pour répandre la vérité (la vérité c’est la lumière)
Encore une fois, en tant que médecin, je me dois d’être honnête avec mon patient. Lorsqu’il a un cancer, je dois lui apprendre afin qu’il se soigne. Ensuite je dois être auprès de lui pour l’aider (C’est la même chose pour le conflit entre Palestiniens et israéliens)
Le monde est petit aujourd’hui, les medias peuvent répandre la vérité. La vérité se trouve, il suffit de la chercher.
Nous naissons tous libres, personne ne doit être tué ou lutter pour obtenir sa liberté. La liberté pour tous est un dû. Mais personne ne peut goûter à la liberté tant que tous ne sont pas libres.
Nos parents obligés de quitter leur terre natale ont réalisé que ne pas avoir eu l’éducation nécessaire leur nuisait car l’éducation est l’arme pour vaincre, ils nous ont enseigné que l’éducation nous permettrait de réussir, de planifier notre vie car sans cela, pas d’avenir.
Le palestinien n’a aucun moyen de planifier sa vie. Il n’a rien, ni ressources, ni moyens de lutter, mais il peut encore rêver !
Tous peuvent nous réduire, nous enfermer, mais ne peuvent nous empêcher de rêver. L’espoir passe par le rêve qui mène à la réalité.
Nous sommes nés pour lutter et pour survivre. Nous n’avons aucune certitude du lendemain ; Sommes-nous nés pour vivre et nous reproduire ou pour combattre et tuer ou se faire tuer ? Aucun peuple autant que les palestiniens n’a été entraîné pour lutter et survivre. La vie est compliquée, pleine de surprises.
J’ai juré devant Dieu et mes filles que je ne m’arrêterai jamais, que je n’abandonnerai jamais jusqu’au jour où nous nous retrouverons, car je sais que nous nous retrouverons, je suis responsable devant mes filles qui me regardent, me parlent, me questionnent. Qu’as-tu fait pour nous ? Responsable de mes paroles et de mes actes, je leur dis que je fais tout pour leur apporter la justice, pour les garder en vie. Je viendrai vers elles avec un cadeau immense : la justice pour elles et la liberté pour le peuple.